Escapades gardoises (5)… du côté de Lirac et Tavel
- Les Deux Pins

- 9 oct.
- 6 min de lecture
18 Août
''Les Deux Pins''
Il s’agit d’un jeune et modeste domaine, créé en 2021 et d’à peine 5 ha, dont la cave est située dans le village de Tavel.
Baignant dans l’ambiance de la cave familiale depuis son enfance, Jean-François a acquis un métier tout trouvé en devenant le vigneron. Sa formation, il l’a gagné par de solides études couronnées d’un diplôme d’œnologue, puis enrichi de riches expériences probatoires en Bourgogne, à Bordeaux, en Grèce. Et c’est en Roumanie qu’il effectue ses premiers pas comme vigneron, exactement au Domaine Corcova. De ce pays, il confie son admiration pour la qualité méconnue de ses vins, citant ceux du Domaine Catleya, dont il nous gratifie de la dégustation d’un blanc, en effet fort convaincante. La signature « Les Deux Pins » sous-entend aussi une main féminine, celle de Simona Andreis, sa compagne dans la vie et elle-même œnologue dans un cabinet de consultants.
La création du domaine résulte de l’acquisition de vignes. La configuration morcelée de son vignoble a été une autre et heureuse opportunité, puisqu’elle lui fait bénéficier de plusieurs types de terroirs, bien mis à profit dans la conception des vins qui en sont issus. Inscrit dans les aires en appellation Lirac et Tavel, l’ensemble souffre d’une seule exception, celle constituée par une parcelle hors AOC, de moins d’un hectare et ayant droit à la dénomination IGP Pays d’Oc. De nature argileuse, ses sols portent des vignes d’une quinzaine d’années, à la source d’un blanc issu exclusivement du cépage rolle. En 2024, son expression est exemplaire du dessus du panier de sa catégorie, réputée modeste, et se prévaut d’un nuancier d’arômes raffinés et d’évidentes qualités de corps, propres à satisfaire bien des occasions de convivialité.
Si l’on émet plus d’exigence dans la couleur, il y a lieu de se précipiter sur le lirac blanc « Les Deux Pins » pour le motif de sa rareté, s’agissant du produit d’un seul fût, soit quelques 600 bouteilles en tout et pour tout ! A ce niveau de production, il est presque inutile de dire que l’on aspire à de l’ambition. Formé de galets roulés sur un sol argileux, son terroir de naissance donne le ton aux variétés proprement rhodaniennes qui le composent, à savoir du grenache blanc et de la clairette représentées par des vignes bien enracinées, âgées d’une quarantaine d’années. Après une vinification suivant de bonnes règles, son élevage dans un fût neuf n’est pas pour rien dans l’élégance d’un 2024 que nous avons eu le privilège de pouvoir d’apprécier, étant donné que ce millésime était épuisé à la vente avant l’heure. On pose alors le verre à regret sur le frais souvenir d’une expression qui charme et comble les sens…
Dans leur ensemble, les tavels d’aujourd’hui ont tourné la page des atavismes qui handicapaient leurs aînés dans le concert des rosés contemporains, et le tavel « Les Deux Pins » n’échappe pas à cette heureuse tendance. Il va même plus loin dans le rafraîchissement du genre, un qualificatif à point nommé, car les cépages blancs y dominent justement, en l’occurrence du grenache blanc et de la clairette, lesquels forment plus de la moitié de sa composition. La part de blancs serait même largement majoritaire si tant est que le picpoul gris soit considéré comme une variété blanche. En fait, seul le grenache noir y est présent pour satisfaire à sa catégorie, et évidemment sa couleur, en l’occurrence une belle robe aux reflets rose fuchsia. En plus de cette alliance de cépages sans doute unique, il synthétise également les trois types de sols caractérisant le terroir de Tavel, tirant surtout parti des lauzes, soit des calcaires très durs, certainement à l’origine de la structure minérale rémanente dans l’expression du 2024. Celui-ci privilégie avant tout un fruit stimulant évoquant des baies rouges, tandis qu’un caractère épicé vient s’y mêler pour le nuancer à propos. Si cependant un reproche était à faire à ce millésime, ce serait sa propension à la générosité, qui amortit la sensation de fraîcheur qui lui est pourtant intrinsèque. En cela, Christian Paly confesse modestement « sur le Tavel, on se cherche », en avançant l’idée d’y inclure de la syrah pour en raviver le rendu. En tout cas, tel qu’il se présente, il procure déjà du plaisir.
Moins singulière, la constitution du lirac rouge « Les Deux Pins » n’est tout de même pas courante, puisqu’elle fait la part belle à de la syrah, à hauteur des trois quarts de son assemblage, le grenache venant en complément. Il faut dire que ces syrahs sont peu ordinaires. Agées de plus de 50 ans et plantées sur des sols argilo-calcaires, elles sont très peu productives, à l’avantage des qualités de fond du vin qu’elles engendrent. En appréciant le 2023, c’est pourtant son équilibre qui retient davantage l’attention plutôt que l’effet de concentration immanquable à la richesse de sève de ces vignes vénérables. Un élevage soigné n’est pas pour rien dans cette sensation favorable, même si le boisé qui le signale émerge quelque peu dans sa tournure actuelle.
Homologue en qualité du lirac blanc, le lirac rouge « Secret des Deux Pins » le rejoint également par sa confidentialité, n’étant produit qu’à quelques centaines d’exemplaires, en vérité l’équivalent d’un seul fût en contenant 400 litres. Provenant d’une vigne à dominante argileuse, il diffère du « simple » Lirac par une composition où le grenache se taille la part du lion, suivant une proportion qui frôle les 100 %. Le recours à ce cépage ouvre la porte de la séduction à un 2023, dont la palette des flaveurs joue à merveille et sans lésiner sur ce registre, d’autant plus que le boisé y est imperceptible. Plus en substance que son homologue, il ne le paraît guère dans l’absolu grâce à la forme de fraîcheur qui encadre avec bonheur son entière expression.
Même si ce vin est hors sujet, car vauclusien de naissance, il vaut la peine d’être cité, s’agissant d’un châteauneuf-du-pape dont la qualité et le style nous ont subjugué. Bien que partie intégrante de la gamme « Les Deux Pins », il provient d’une parcelle délimitée au sein du vignoble châteauneuvois, dans un terroir de galets roulés, si emblématique du cru. Son essence est tout autant singulière, s’agissant de grenache pur, ainsi que l’y autorise la règlementation de cette prestigieuse appellation. D’autre part, a contrario des cuvées en Lirac, son élevage est strictement effectué en cuves, de manière à restituer sans fard son essence. Et ce n’est pas la riche palette aromatique du millésime 2023 qui désavouera cette approche, sans parler de ses autres qualités se réclamant sans ambages de l’épicurisme.
Dégustation
IGP Pays d’Oc – blanc 2024
Nez : derrière un léger voile minéral, son enveloppe de fraîcheur contient de notes subtiles et stimulantes de fleurs et d’agrumes, que rehausse un accent mentholé.Bouche : l’élégance de sa rondeur se double de l’agrément d’une matière ondoyante, tandis que sa trame de fond avoue un léger penchant chaleureux d’où ressort un goût d’agrumes aux sucs persistants fort à propos. Tapissée d’un grain délicat de nature minérale, sa finale renoue avec ses qualités premières.
Tavel 2024
Nez : bien expressif, il s’en dégage d’emblée une sensation combinant fraîcheur et un petit air éthéré, où s’allient de plaisantes senteurs framboisées.
Bouche : matrice de sa fraîcheur, une impression de volume répartit très harmonieusement sa matière. Sous l’influence d’un courant épicé, un goût généreux approchant des arômes perle en sucs salivants et gourmands, et persiste longuement avant de se dissiper sous l’effet de la structure minérale perçue en finale.
Lirac rouge 2023
Nez : fondu dans un boisé séducteur, il déborde d’un velouté affriolant de senteurs mariant à merveille fruits rouges, réglisse et épices douces.
Bouche : son appréciable rondeur atteste d’un bel équilibre qui sert une matière ample et d’une texture juteuse. D’un penchant épicé, des saveurs puissantes et savoureuses confondent les arômes tout en laissant poindre un léger boisé. Signe de sa jeunesse, la structure s’affirme à travers des tanins fins et tendres.
Lirac rouge 2023 – « Secret des Deux Pins »
Nez : il captive par sa dense et riche teneur fruitée sous l’aspect d’un bouquet très séduisant et plein d’acuité de fruits rouges (cerise-fraise), où viennent se lover des notes épicées.
Bouche : largement déployé, son profil jugule à merveille sa nature concentrée pour en magnifier le toucher et faire pleinement apprécier des saveurs délicieuses et littéralement pénétrantes, où les arômes se transposent fidèlement. Un ourlet de tanins soyeux parachève son expression.
Châteauneuf-du-Pape rouge 2023
Nez : il embaume une heureuse alliance faite d’une bigarrure de fruits rouges, d’un air floral (pivoine) sur un registre épicé et une note de laurier que l’on subodore par moments.
Bouche : admirable, son équilibre engendre une texture délicatement pulpeuse, creuset de l’expression luxuriante d’un goût exquis, intense et sapide, offrant un riche écho aux arômes. Le velours des tanins ajoute à son style sensuel et sans fard.
Prix au domaine des vins cités :– IGP Pays d’Oc : 8 € – Tavel : 10 € – Lirac rouge : 15 € – Lirac blanc : 18 € – Lirac « Secret des Deux Pins » : 20 € – Châteauneuf-du-Pape : 35 €
(Texte en intégralité sur : https://www.eccevino.com/magazine/escapades-gardoises-5-du-cote-de-lirac-et-tavel/ )






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